dimanche 6 février 2011

Un long dimanche de filles en salle

On ne se connaît pas encore très bien, alors évidemment, tu te demandes ce que ce genre de titre sous forme d’une blague à deux balles peut bien faire dans un blog.

Il faut d’abord que je te fasse un rapide tableau de ce qu’est ma vie aujourd’hui. Quadra approchant de la mi-temps, je « vis » avec une femme dont je suis tombé éperdument amoureux il y a cinq ans. C’est un tableau idyllique me diras-tu, alors pourquoi ces guillemets ? Et bien parce vivre ensemble dans le contexte actuel signifie dormir tous les soirs dans mon petit deux pièces de banlieue où elle me fait l’honneur de sa présence un week-end sur deux. Cette fréquence t’évoque quelque chose ? Eh oui, nous avons tous les deux eu une vie antérieure, vie dont les oripeaux sont trois petites têtes blondes chères à nos cœurs, si chères. Et le prix à payer est de ne pas envahir l’espace familial de nos enfants respectifs en leur épargnant la présence d’un étranger qui pourrait, proximité oblige, vouloir se substituer à leur autre parent légitime, lui.

C’est donc sur ce postula, nous avons construit notre vie commune. Mais ses oripeaux à elle étaient un peu plus qu’un enfant, ils étaient tout ce qui va avec : appartement dans les beaux quartiers parisiens pour loger le bambin dans un environnement socialement favorable et présence régulière pour ne pas dire permanente du père, toujours pour garantir à l’enfant un maintien de son équilibre noyau familial.

Ça y est, je sens là un scepticisme latent et tu te dis, au choix : chic, il va y avoir du croustillant, des portes qui claquent, des quiproquos et des amants dans l’armoire, bref du vaudeville bien parisien, soit : encore un bobo qui va étaler à mes pieds toute l’étendue de son mal de vivre et qui va me faire pleurer avec ses vacances aux États Unis ou aux Seychelles et sa crise de la quarantaine. J’ai annoncé la couleur, c’est l’endroit que j’ai choisi pour évacuer mes billets d’humeur, alors, il y aura du vaudeville de bobo ou de la crise de la quarantaine avec des amants dans le placard, à toi de choisir si tu restes…

Bref, la situation est connue, claire, certes pas très classique mais acceptée et vécue avec une fortune pas toujours égale, mais globalement, on s’y retrouve, on s’habitue, on trouve l’équilibre, bref : on vit. Seulement voilà, cet équilibre reste précaire (n’est-ce pas d’ailleurs le propre d’un équilibre trouvés entre adultes consentants ? il faudra que je creuse un jour) et il ne fonctionne que quand tous les éléments sont en mode nominal. Le jeu de domino a commencé à montrer des signes évidents de mouvements tectoniques lorsque que le mari a perdu son travail. Oh, au début, c’est presque une sinécure, les personnes qui l’employaient étaient tous des pourris et il allait monter sa propre boite et il allait leur piquer leurs clients et il allait leur montrer ce qu’ils allaient perdre et il allait payer l’appartement en 10 ans tellement l’argent allait rentrer ! Alors haut les cœurs, tout va bien madame la marquise, tout va très bien, tout va très bien. Seulement voilà, la crise (la Crise devrais-je écrire, c’est devenu un personnage à part entière) est passée par là et de clients, point il ne trouva.

C’est le début de ma fin (je sens un soulagement là). La belle a commencé à prendre conscience de la précarité de sa situation et que la bel équilibre allait voler en éclat. Elle a recommencé à fumer, à manger n’importe quoi, à grossir, à se sentir moche, à prendre des antidépresseurs, à soutenir son colocataire (pour ceux qui n’auraient pas suivi, c’est son mari) dans l’adversité, à craindre de ne pas pouvoir garder son bel appartement, bref la belle amante s’est mué en une redoutable femme d’affaire qui a un travail régulier et qui passe la plupart de ces congés à faire des petits boulots pour mettre du beurre dans les épinards demandant à son amant (pour ceux qui n’auraient pas suivi, c’est moi) beaucoup d’indulgence et de compréhension, l’amour rendant aveugle pour certains, crétins pour d’autres, ce sont des exigences auxquelles j’accède sans rechigner.

C’est comme ça que je suis seul dans un restaurent un dimanche à mater les serveuses qui s’affairent. C’est un long dimanche de filles en salle.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire